vendredi 23 septembre 2011

Hommage au Molière d'Ariane Mnouchkine


Si vous en avez assez des films de capes et d’épées à la manière hollywoodiennes, cheveux gominés et regard d’ange, je vous invite à redécouvrir un film de 1978 qu’il ne faut surtout pas oublier. Il s’agit ici du Molière d’Ariane Mnouchkine.

Qu’est-ce que ce film a de plus que les autres ?
Tout d’abord, ses acteurs. C’est une troupe existante depuis 13 ans au moment du tournage qui s’est lancée dans cette aventure. Et cela fait la différence avec des acteurs studios. L’expression des sentiments, les faciès la façon d’utiliser les corps, sont plus authentiques, plus profondes. La complicité entre les acteurs, ou du moins leur habitude de jouer ensemble est visible.

Ensuite, c’est un film que l’on peut qualifier de monumental, par sa durée, un peu plus de 4h, décomposée en deux grandes parties, la jeunesse de Molière et ses années de consécration. L’influence du théâtre dans ce découpage est aussi claire.


Dans la première partie, plusieurs scènes villageoises du XVIIème sont reconstituées. Nous nous retrouvons plongés dans une ambiance délurée et ultra vivante (pensons ici à la scène du carnaval). Mais c’est aussi le réalisme époustouflant qui laisse en admiration. Dîtes que le métier d’acteur, même de figurant, est un métier facile, et reconsidéré votre propos après avoir vu ce Molière.
Car c’est bien dans une couche de boue de 50cm de profondeur que les acteurs pataugent. Ajoutez-y le poids des robes maculées de boue et l’odeur de la viande laissée à l’air libre (dans la scène de la dispute entre les bandes) et votre vocation d’acteur sera mise ne danger, c’est sûr !

Mais le résultat est à la mesure de la peine donnée. Le tableau dépeint est digne des portraits de gueux du Caravage, et la sensation est la même. C’est le dépaysement, tout autant que la répulsion, l’empathie et l’émoi qui nous secouent les tripes.

La prouesse d’Ariane Mnouchkine est de garder cette atmosphère, qui rend compte très justement des conditions de vie de l’époque, tout au long du film. C’est donc un vrai film historique, et non une vague fable ancienne baignant dans un hygiénisme tout moderne, telle que nombre de réalisateurs font depuis.  

Je voudrais encore tirer mon chapeau une dernière fois dans ce billet, pour le passage de Commedia Dell’arte que le metteur en scène nous offre dans la première partie du film. Celui-ci sonne comme un hommage à la mère du théâtre professionnel.
Et c’est à nous, à présent de rendre hommage à cette très belle réalisation. Il est bon parfois de ne pas être figé sur les nouveautés, et de tourner la tête pour se souvenir de tout ce qui était bon et qui mérite de rester en mémoire.





Disponible à l'Autre Monde


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