vendredi 9 septembre 2011

Campra , Le Carnaval de Venise par Hervé Niquet et le concert spirituel

Couverture livre-disque
Le Carnaval de Venise
Nous sommes en 1699, à l’aube d’un nouveau siècle et au crépuscule d’un règne interminable. Cette année-là, Campra écrit son deuxième Opéra-Ballet, Le Carnaval de Venise. Louis XIV, a remplacé « les plaisirs, les jeux et les ris » de la cour par une dévotion marquée d’austérité. L’académie royale de musique, charge du Dauphin, échappe en partie à ce sort et conserve un programme éclectique. En plus des grandes fresques religieuses propres à satisfaire le monarque, elle propose également des œuvres légères et faciles, plus au goût d’un public lassé par trop d’années de grandiloquence.
Ce contexte voit l’émergence d’un genre nouveau dont Campra est l’un des ambassadeurs, l’Opéra-Ballet. L’Europe Galante de 1697 avait inauguré la série, qui ne connaîtra son déclin que vingt ans plus tard. Ces histoires en apparence légères sont une réaction en demi-teinte à l’étouffant pouvoir absolu qui commence à être pointé du doigt.

D’un point de vue musical, l’arabesque des mélodies et le retour de l’aria da capo laissent transparaître des influences italiennes, inspirations lourdement combattues du vivant de Lully. Le style français s’était en effet imposé dans toute la France depuis quelques années, n’assumant que très peu les influences transalpines pourtant existantes. Le bon goût était alors à l’écriture plus harmonique que mélodique, la scansion carrée, et le rejet de tout artifice. Ces règles firent office de loi alors que Lully s’affirmait comme seul compositeur de la Cour de France. Les italianismes de Campra montrent qu’une page se tourne.

Il en va de même dans le choix des personnages. Le roi ne danse plus, son costume d’Apollon est mis au placard et avec lui la myriade des personnages mythologiques. Les protagonistes du Carnaval de Venise, Léonore, Léandre, Isabelle et Rodolphe sont des personnages réalistes. L’intrigue est simplifiée. Le public peut à nouveau s’identifier à ces héros. Le pouvoir absolu est doucement remis en cause. Des intrigues dignes d’intérêt peuvent également naître du peuple, et non plus seulement du roi. Là aussi, nous sommes à la fin d’une période.

L’intérêt de cet opéra, dont c'est ici le premier enregistrement, est à la fois musical et social, pour ne pas dire politique. Mais il s'agit aussi, avant tout, d'un jalon majeur de l'histoire de l'art lyrique, à découvrir absolument. Une gourmandise pour l’oreille et pour l’esprit.



Le Carnaval de Venise d’André Campra
Le Concert Spirituel, Hervé Niquet.
Livre-disque sorti chez Glossa en édition limitée, tirée à 3900 exemplaires.

à lire également :

- Le Carnaval de Venise, livret, études et commentaires, par Jean Duron aux éditions Mardaga
- André Campra, un musicien provençal à Paris, par Jean Duron aux éditions Mardaga
- André Campra, étude biographique et musicologique, par Maurice Barthélemy chez Actes Sud

Disponible à L’Autre Monde

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