Qui n’a jamais rêvé de découvrir un chef-d’œuvre au coin d’une
pièce oubliée ? Qui n’a jamais eu envie d’identifier la toile d’un grand
maître dans une chapelle sombre ? Nous sommes beaucoup à rêver à de telles
découvertes. Et si je vous donnais la piste d’une grande chasse au trésor, qui
commencerait dans la plus fameuse des cathédrales, Notre-Dame de Paris.
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Le Crucifiement de Saint-Pierre, Sébastien Bourdon, Notre-Dame de Paris, 1643 |
L’objet de notre recherche : 23 huiles sur toile de
plus de 10 mètres de haut ayant pour thème des scènes des Actes des Apôtres, peintes
par les meilleurs artistes du XVIIe siècle.
Si vous cherchez de quoi je parle, allez à Notre-Dame
de Paris, franchissez les barrières des premières chapelles latérales sud, et
contemplez. Ces grands tableaux poussiéreux et mal éclairés que vous avez
devant vous sont des Mays. Vous en avez 13 dans la cathédrale. Peut-être n’en
avez-vous jamais entendu parler. Et pourtant, ce sont des chefs-d’œuvre,
injustement oubliés.
L’ensemble des Grands Mays de Notre-Dame de Paris était
composé de 76 toiles, mesurant toutes plus de 10 mètres de haut, réalisées
entre 1630 et 1707. Parmi les peintres qui ont réalisés ces toiles, vous
retrouvez nombre des plus grands noms de la peinture du XVIIe siècle, Laurent
de la Hyre, Charles Poërson, Eustache le Sueur, Noël Coypel, etc.
Les tableaux étaient commandés par la confrérie des
orfèvres, et étaient offerts en cadeau en dévotion à la Vierge Marie le premier
mai de chaque année. L’emplacement actuel n’est pas leur emplacement d’origine.
Dès 1630, chacun des Mays était accroché en surplomb des colonnes des grandes arcades
de la nef et du chœur.
Imaginons alors l’effet rendu à l’intérieur de la
cathédrale. Toute le long de la nef se déployait un cycle de toiles
majestueuses relatant l’histoire des premiers apôtres. Nous sommes bien loin
des murs nus qui ne montrent que la pierre, que l’on peut voir actuellement. Le
thème choisi et la façon de le représenter était une exhortation à s’engager
pour la propagation de la Bonne Nouvelle, tout comme les premiers disciples le
firent, jusqu’au martyre.
Les toiles présentes dans la cathédrale étonnent par leur
dynamisme. Les compositions sont extrêmement complexes et reposent sur les
mouvements de spirale et des gestuelles éloquentes. Ce sont de pures
manifestations de dramatisme baroque, qui peuvent s’apparenter par leur
expressivité aux sculptures du Sacri Monti du Nord de l’Italie.
Chacune des toiles mériterait une étude approfondie, or,
voilà le problème, vingt-trois des Mays ont disparus, les autres sont répartis
dans différents musées français, ceux de Notre-Dame de Paris, sont, disons-le,
dans un état déplorable. Qui en effet à encore le souci de ces tableaux ? Quand
on sait que le visiteur lambda n’a qu’une idée en tête, voir Quasimodo. C’est
tout juste si les touristes ont envie d’entendre parler d’édifice religieux quand
ils entrent dans la cathédrale. Et pourtant, quand je vais à Notre-Dame et que
je m’installe pour un temps devant un des Mays pour le contempler, à chaque
fois une dizaine de visiteurs s’arrêtent et regardent avec moi. Il suffit
parfois seulement d’orienter le regard.
Pouvons-nous nous aussi orienter nos regards vers ces
tableaux ? Tenter de retrouver les Mays disparus. Faire enfin une étude approfondie
sur le sujet et proposer un ouvrage documenté et accessible. Malgré tous mes
efforts, je n’ai trouvé pour le moment qu’un seul ouvrage sur le thème, un
catalogue d’exposition du musée d’Arras datant de 1999, uniquement disponible d’occasion*.
Il constitue une belle introduction (quand vous avez réussi à vous le procurer)
qui souligne toutefois à plusieurs reprises l’état lacunaire des connaissances que
nous avons sur le sujet.
Est-ce ainsi que nous rendons hommage au plus grand cycle de
peinture religieuse française de la période baroque ? Vous en conviendrez que cela est un peu
léger. Les festivités pour les 850 ans de Notre-Dame de Paris sont en
préparation. Un grand livre sur Notre-Dame de Paris est en cours. Les travaux
de restauration et d’embellissement de la cathédrale ont déjà commencés. Est-ce
que quelque chose a été prévu pour enfin mettre en valeur les grandes toiles
oubliées ? Nous verrons bien en 2013. En attendant, gardons les yeux
ouverts, et si jamais vous pensez avoir trouvé un des Mays disparus, faites-moi
signe !
Vous trouverez quelques informations ainsi que les
reproductions d’une partie des Mays présents dans la cathédrale sur le site de Notre-Dame de Paris
*Les Mays de
Notre-Dame de Paris, Musée des Beaux-Arts d’Arras, 1999, ISBN : 2
910205 07 X
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