mardi 27 septembre 2011

Giordano Bruno, un esprit libre qui lui coûta la vie

Portrait de Giordano Bruno

Tenir tête aux pouvoirs séculier et religieux sans distinction, combattre toute forme d’ignorance, jusqu’à sacrifier sa vie, c’est ainsi que Giodarno Bruno a mené sa vie. Erudit à la mémoire exceptionnelle, le savant italien n’a pas eu peur d’affirmer ses opinions et répandre ses idées, quitte à être apatride et rejeté de toute l’Europe. Car ces idées, sur l’astronomie et la physique, étaient considérée comme dangereuses par les têtes « bien pensantes » de l’époque qui le condamnèrent sans vergogne.

Le livre de Jean Rocchi retrace l’histoire exceptionnelle de cet esprit libre qui a ouvert la route aux plus grandes découvertes de la science moderne et dont la somme bibliographique nous surprend encore aujourd’hui tant par sa richesse que par son éclectisme. C’est une découverte à faire pour ceux qui ignore tout de la vie de Giordanno Bruno, ou un approfondissement à ne pas rater pour ceux qui le connaisse déjà.
Disponible à L'Autre Monde :

vendredi 23 septembre 2011

Hommage au Molière d'Ariane Mnouchkine


Si vous en avez assez des films de capes et d’épées à la manière hollywoodiennes, cheveux gominés et regard d’ange, je vous invite à redécouvrir un film de 1978 qu’il ne faut surtout pas oublier. Il s’agit ici du Molière d’Ariane Mnouchkine.

Qu’est-ce que ce film a de plus que les autres ?
Tout d’abord, ses acteurs. C’est une troupe existante depuis 13 ans au moment du tournage qui s’est lancée dans cette aventure. Et cela fait la différence avec des acteurs studios. L’expression des sentiments, les faciès la façon d’utiliser les corps, sont plus authentiques, plus profondes. La complicité entre les acteurs, ou du moins leur habitude de jouer ensemble est visible.

Ensuite, c’est un film que l’on peut qualifier de monumental, par sa durée, un peu plus de 4h, décomposée en deux grandes parties, la jeunesse de Molière et ses années de consécration. L’influence du théâtre dans ce découpage est aussi claire.


Dans la première partie, plusieurs scènes villageoises du XVIIème sont reconstituées. Nous nous retrouvons plongés dans une ambiance délurée et ultra vivante (pensons ici à la scène du carnaval). Mais c’est aussi le réalisme époustouflant qui laisse en admiration. Dîtes que le métier d’acteur, même de figurant, est un métier facile, et reconsidéré votre propos après avoir vu ce Molière.
Car c’est bien dans une couche de boue de 50cm de profondeur que les acteurs pataugent. Ajoutez-y le poids des robes maculées de boue et l’odeur de la viande laissée à l’air libre (dans la scène de la dispute entre les bandes) et votre vocation d’acteur sera mise ne danger, c’est sûr !

Mais le résultat est à la mesure de la peine donnée. Le tableau dépeint est digne des portraits de gueux du Caravage, et la sensation est la même. C’est le dépaysement, tout autant que la répulsion, l’empathie et l’émoi qui nous secouent les tripes.

La prouesse d’Ariane Mnouchkine est de garder cette atmosphère, qui rend compte très justement des conditions de vie de l’époque, tout au long du film. C’est donc un vrai film historique, et non une vague fable ancienne baignant dans un hygiénisme tout moderne, telle que nombre de réalisateurs font depuis.  

Je voudrais encore tirer mon chapeau une dernière fois dans ce billet, pour le passage de Commedia Dell’arte que le metteur en scène nous offre dans la première partie du film. Celui-ci sonne comme un hommage à la mère du théâtre professionnel.
Et c’est à nous, à présent de rendre hommage à cette très belle réalisation. Il est bon parfois de ne pas être figé sur les nouveautés, et de tourner la tête pour se souvenir de tout ce qui était bon et qui mérite de rester en mémoire.





Disponible à l'Autre Monde


jeudi 22 septembre 2011

Le Retour des Caravelles, Alain Pacquier

Le créateur du label K617 et du festival de musique de Sarrebourg nous offre un nouveau livre, quinze ans après la sortie de son ouvrage Les chemins du baroque dans le Nouveau Monde (Fayard). Il est à nouveau question dans ce nouvel opus de son expérience au cœur de l’Amérique latine et de la découverte de son patrimoine musical. Cependant, fort d’un recul supplémentaire sur cette expérience extraordinaire qui a vu la renaissance de la musique ancienne des pays sud-américains, l’auteur nous livre un témoignage plus personnel, moins musicologique, à la manière du Vous avez dit Baroque de Philippe Beaussant.

L’écriture dynamique qui enchaîne les histoires à un rythme soutenu nous fait traverser toute l’épopée des « Chemins du Baroque », de la naissance du projet à son accomplissement, en passant par les obstacles, les doutes et les joies qui la jalonnent. Alain Pacquier choisit très judicieusement d’introduire des témoignages de personnes extérieures, ajoutant du relief au récit à travers ces autres points de vue.

Pour vous en donner un avant-goût, nous avons choisi de vous livrer un de ces points de vue. C’est celui d’André Ladousse, conseiller pour la coopération scientifique et technique à l’ambassade de France à Mexico :

« Evidemment lorsque l’ambassadeur a vu Alain, il fut un peu surpris. J’ai dû argumenter : c’est un spécialiste, faisons-lui confiance car il a un énorme projet qui ne demande qu’à éclore pour les commémorations de la «  Découverte du Nouveau Monde ». C’est un visionnaire. […] Avec le recul, je me rendais bien compte que seule l’action dans la durée permit d’aboutir au succès. »

Et ce fut un succès, ou plutôt, plusieurs succès, celui d’une rencontre entre deux cultures, celui de la mise en valeur d’un patrimoine oublié, celui de la réalisation d’un festival et d’un label, et celui, à présent, d’un livre qui nous fait partager avec enthousiasme toutes ces réussites. Un ouvrage qui nous donne de l’entrain pour la rentrée !

Retrouver cette critique sur le site de L'Autre Monde : www.lautremondeparis.com

vendredi 16 septembre 2011

L'itinéraire d'une caravelle d'Alain Pacquier

Rembrandt,
Le cour d'anatomie du Docteur Tulp (détail),
1632
Nous sommes dans une chambre universitaire, Gaëlle et moi. Neuf mètres carrés, voilà l’espace dont ma camarade étudiante bénéficiait pour vivre. Dans ce réduit, de la taille d’un grand placard, mon amie me partage ses souvenirs de Bolivie. Nous sommes en 2004, nous entamons toutes deux notre deuxième année de musicologie à l’université de Strasbourg.Gaëlle est lorraine, sa famille habite près de Sarrebourg. Ce détail, en apparence anodin, est pourtant au fondement de cette anecdote. Car depuis le début des années 1990, Alain Pacquier œuvrait à la rencontre de « deux mondes » près de Sarrebourg, le France et l’Amérique latine. Son rêve fou, né d’une simple intuition était de faire renaître une musique oubliée depuis des siècles outre-Atlantique, la musique baroque et de la faire réentendre, ici, en Lorraine et là-bas, en Amérique latine. Des centaines de jeunes boliviens, péruviens, mexicains et lorrains, ont pu bénéficier des programmes d’échanges et des formations qu’il mit en place. Gaëlle, sans le savoir, était en train de me raconter cette histoire, qui l’avait bouleversée, qui avait affermit son goût pour la musique baroque latino-américaine. Pendant les deux autres années que durait notre formation, elle ne cessa de me rappeler cette passion, originale, dont peu de nous pouvaient se faire l’écho, si ce n’est les étudiants péruviens et colombiens avec qui elle se liait plus facilement que nous d’amitié.
Alain Pacquier a voulu jeter un pont entre ces deux cultures. L’exemple de Gaëlle montre qu’il a réussi. Je prends conscience de cela alors que je lis son dernier ouvrage, Le Retour des Caravelles.
Je dois écrire une chronique dessus, je n’ai pas encore d’inspiration, juste cette histoire qui me trotte dans la tête, et cette citation de R.M Rilke qu’Alain Pacquier cite dans son avant-propos :
« Ce n’est qu’en vivant les questions que vous entrerez insensiblement dans les réponses ».
Le pouvoir des visionnaires est de créer une onde de choc dont le simple écho peut venir un jour toucher nos vies avec une proximité saisissante.
Aujourd’hui c’est Alain Pacquier qui surgit à travers cette ellipse. Hier, ce fut quelqu’un d’autre, avec un certain disque « Aux marches du Palais », acheté, un peu par hasard j’avoue, à l’abbaye du Thoronet. C’était en 2006.

samedi 10 septembre 2011

Luis De Briceno, El Fenix de Paris par le Poème Harmonique, Vincent Dumestre

Karel Dujardin, Paysans italiens à l'échoppe des charlatans
Pour vous parler du prochain disque de Vincent Dumestre  et du Poème Harmonique qui sortira le 29 septembre prochain, je pourrais vous parler de choses communes, des voix merveilleuses de Claire Lefilliâtre et Isabelle Druet, et de la non moins merveilleuse guitare de Vincent Dumestre. C’est sûr, tous les journaux spécialisés ne manqueront pas de vous dire la même chose. Mais pourquoi nous limiter à cela ? Pourquoi également ne vous parler que de l’histoire de Briceño ? D’accord, cet espagnol perdu en France n’est pas le plus fameux des compositeurs du XVIIe, donc quelques mots sur lui ne seraient pas superflus. Nous verrons cela plus tard.

Pour l’instant, je savoure, ces airs d’amour et de caractère. Peut-être a-t-on trop reproché à Briceño la simplicité de sa musique, et surtout l’ardeur qu’il avait à la défendre, mais aujourd’hui il est temps de revenir sur ce jugement.

« Todos se burlan de mi,
Y yo me burlo de todos,
Porque si me llaman asno
Ellos son necios y tontos.

Tous se moquent de moi,
Et moi je me moque de tous,
Car s’ils m’appellent âne,
Eux sont des sots et des idiots. »


Je suis plutôt d’accord avec ce jugement Luis ! Heureusement que Vincent t’as déterré. Parce qu’avant lui, on t’avait un peu oublié. Et c’était bien dommage. C’est vrai que quand Vincent fait de la musique, il a tendance à faire du Poème Harmonique, mais c’est tellement beau, on peut bien lui pardonner.

Bon, je n’en dis pas plus, le disque n’est pas encore sorti. Gardez ça en secret, et le 29, faites un tour à L’Autre Monde et vous saurez tout !

Retrouvez toutes les informations concernant le Poème Harmonique sur leur très beau site : http://www.lepoemeharmonique.fr

vendredi 9 septembre 2011

Campra , Le Carnaval de Venise par Hervé Niquet et le concert spirituel

Couverture livre-disque
Le Carnaval de Venise
Nous sommes en 1699, à l’aube d’un nouveau siècle et au crépuscule d’un règne interminable. Cette année-là, Campra écrit son deuxième Opéra-Ballet, Le Carnaval de Venise. Louis XIV, a remplacé « les plaisirs, les jeux et les ris » de la cour par une dévotion marquée d’austérité. L’académie royale de musique, charge du Dauphin, échappe en partie à ce sort et conserve un programme éclectique. En plus des grandes fresques religieuses propres à satisfaire le monarque, elle propose également des œuvres légères et faciles, plus au goût d’un public lassé par trop d’années de grandiloquence.
Ce contexte voit l’émergence d’un genre nouveau dont Campra est l’un des ambassadeurs, l’Opéra-Ballet. L’Europe Galante de 1697 avait inauguré la série, qui ne connaîtra son déclin que vingt ans plus tard. Ces histoires en apparence légères sont une réaction en demi-teinte à l’étouffant pouvoir absolu qui commence à être pointé du doigt.

D’un point de vue musical, l’arabesque des mélodies et le retour de l’aria da capo laissent transparaître des influences italiennes, inspirations lourdement combattues du vivant de Lully. Le style français s’était en effet imposé dans toute la France depuis quelques années, n’assumant que très peu les influences transalpines pourtant existantes. Le bon goût était alors à l’écriture plus harmonique que mélodique, la scansion carrée, et le rejet de tout artifice. Ces règles firent office de loi alors que Lully s’affirmait comme seul compositeur de la Cour de France. Les italianismes de Campra montrent qu’une page se tourne.

Il en va de même dans le choix des personnages. Le roi ne danse plus, son costume d’Apollon est mis au placard et avec lui la myriade des personnages mythologiques. Les protagonistes du Carnaval de Venise, Léonore, Léandre, Isabelle et Rodolphe sont des personnages réalistes. L’intrigue est simplifiée. Le public peut à nouveau s’identifier à ces héros. Le pouvoir absolu est doucement remis en cause. Des intrigues dignes d’intérêt peuvent également naître du peuple, et non plus seulement du roi. Là aussi, nous sommes à la fin d’une période.

L’intérêt de cet opéra, dont c'est ici le premier enregistrement, est à la fois musical et social, pour ne pas dire politique. Mais il s'agit aussi, avant tout, d'un jalon majeur de l'histoire de l'art lyrique, à découvrir absolument. Une gourmandise pour l’oreille et pour l’esprit.



Le Carnaval de Venise d’André Campra
Le Concert Spirituel, Hervé Niquet.
Livre-disque sorti chez Glossa en édition limitée, tirée à 3900 exemplaires.

à lire également :

- Le Carnaval de Venise, livret, études et commentaires, par Jean Duron aux éditions Mardaga
- André Campra, un musicien provençal à Paris, par Jean Duron aux éditions Mardaga
- André Campra, étude biographique et musicologique, par Maurice Barthélemy chez Actes Sud

Disponible à L’Autre Monde