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Quel est cet étrange phénomène qui vient toucher les centres d'art ? Du fond de leur esprit pensant, les commissaires invités viennent habiter ces lieux d'exposition, posant leurs idées et organisant expositions et visites. Quelle est la place des commissaires dans les structures qui les accueillent ?
Pour le comprendre, il faut d'abord se plonger dans ce qu'ils font. Pour cela, je ne peux faire reposer mon expérience que sur quelques discussions échangées avec Bettina Klein, commissaire d'exposition au CEAAC à Strasbourg et sur l'article "La matérialité de l'oeuvre" du magazine NOVO de mai 2010. Pas de quoi en faire en roman, vous me direz, mais de quoi se poser quelques questions.
Le commissaire se présente en effet comme le penseur, le créateur de l'exposition. Ceci n'est pas nouveau, la scénographie d'une exposition jouant un rôle actif venant révéler le sens d'une oeuvre ou la pensée profonde du créateur.
Ce qui est nouveau en revanche me semble-t-il, c'est quand le commissaire devient créateur à son tour. Par exemple, la démarche intellectuelle de Manfred Pernice s'est faite en collaboration avec Bettina Klein. Les anciennes fabriques de vaisselles ont été visitées ensemble, les pièces exposées entrent dans l'histoire directe de la commissaire (une partie de la vaisselle appartient en effet à la grand-mère de Bettina). Alors, simple aide à la création ou création conjointe ?
Si nous entrons dans le dernier cas, cela signifie-t-il que l'exposition devient un objet artistique en soi, auquel participeraient les artistes, sous la direction d'un commissaire qui tenterais à devenir démiurge ? Le rôle actif des commissaires d'exposition n'est plus à démontrer.
Mais dans le cas extrême où l'exposition serait l'objet central de la création, quelle place prendraient alors les oeuvres ?
L'équation de la création artistique mérite peut-être d'être posée en d'autres termes. Qui de l'oeuvre ou de l'exposition peut conduire le spectateur dans son imaginaire ? Il me semble que ce sont les deux. Les oeuvres sont les ingrédients, l'exposition la mise en place. Le commissaire propose sa propre déclinaison, sa version du créateur qu'il expose. Il devient alors lui même créateur. La frontière semble alors s'amenuiser. Le commissaire ne deviendrait-il pas lui aussi un peu l'artiste qui s'expose ? L'oeuf vient-il de la poule ou l'oeuf de la poule ? Voici un vaste débat où les commissaires d'exposition nous plongent pour le plaisir des méninges et des yeux.
Intéressant! Merci pour cette réflexion sur les évolutions de l'art contemporain. A suivre.. :)
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