lundi 7 novembre 2011

Mélodies de la Mélancolie, Patricia Petibon, 5 novembre 2011, Salle Pleyel


Le titre est erroné, ou presque. Gardons les Mélodies de la Mélancolie, de Nicolas Bacri. Habituée des explorations musicales et des effets théâtraux, la soprano colorature avait su nous séduire par ses interprétations vivantes  et pleines d’énergie d’Offenbach, Gluck ou encore Mozart*. La voix particulière, qui prend toute son ampleur dans les registres les plus aigus, peine à convaincre dans le médium. Certes la démarche est intéressante, et il semble qu’un programme de musique espagnole ait pu convenir à la chanteuse. La présence sur scène et la poigne sont là, la voix, elle, n’est vraiment pas à l’aise. Dommage.
Certes, le début de cet article ne dresse pas un bilan très positif, n’en déplaise aux fans de la chanteuse qui étaient venus en nombre à la salle Pleyel et qui ne partagent peut-être  pas mon opinion. Alors, rattrapons cela et parlons de ce qui était positif dans ce concert. A savoir, la première française des Mélodies de la Mélancolie de Nicolas Bacri. Ces quatre chansons, spécialement composées à la demande de Patricia Petibon pour apparaître dans son dernier album, ont eu de quoi séduire.
Tout d’abord, la voix de la chanteuse était (enfin) dans son registre. Ensuite, le compositeur n’a pas manqué à sa parole et nous a effectivement dépeint un portrait de la mélancolie très convaincant. A la mar (A la mer) ; Silencio mi niño (Tout doux, mon enfant), Hay quien dice (Certains disent), Sólo (Seulement), on ne peut pas être plus dans le sujet.

Pour cela, le compositeur utilise des procédés simples, mais efficaces. Arrêtons-nous un peu sur la première mélodie A la mar. Le mouvement ternaire perpétuel sur deux accords nous emporte sur la surface ondulante de l’eau. On y retrouve le procédé d’écriture de Bach, dans le premier mouvement de la Passion selon Saint-Jean. C’est également le cas pour les cris de la soprano, qui s’approchent des premiers « Herr » de la Passion. Cri de l’Homme impuissant face au cycle de la nature qui l’emportera. Bacri simplifie le continuo, et pousse le naturalisme jusqu’à nous faire entendre un cri de la mouette su un iAy (Hélas) qui nous prend aux tripes. On se retrouve sur le dos de Jonathan Livingston le goéland, tel que le décrit Richard Bach (encore un Bach) dans son livre du même nom, savourant jusqu’à l’ivresse la liberté des airs, le cœur serré d’être seul à goûter ce délice. C’est poignant et splendide.
 L’influence est tout autre dans Hay quien dice. L’écriture est résolument plus moderne. Le chant se rapproche plus de celui d’une Lulu de Berg (rôle que Patricia Petibon a d’ailleurs brillamment incarné récemment dans la mise en scène d’Olivier Py). La détresse sur vergüenzas, crueldades en cuentas de amor est puissamment délicieuse.
Ces démonstrations de chant et d’expressivité vocale réconcilient avec le reste du concert. L’audace musicale de Patricia Petibon peut donc produire le meilleur comme le pire. Jetons le pire, gardons le meilleur et espérons que le prochain programme sera plus en adéquation avec la très belle, mais aussi très exigeante voix de la soprano.

* Voyez par exemple l’enregistrement de l’air de la reine de la nuit de La Flûte Enchantée de Mozart, chantée par Patricia Petibon, que l’on retrouve dans son album Amoureuses.







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