Présenter une exposition sur les femmes artistes pour rappeler qu'elles sont des artistes avant d'être des femmes est un pari dangereux. C'est en forçant le trait sur l'absence de différence que l'effet peut s'inverser. Exposer "exclusivement" des femmes montre que cet univers créatif n'est toujours pas considéré comme une forme conventionnelle, mais présente une originalité. Imaginerait-on une exposition "exclusivement" réservée aux hommes, cette proposition flirte dangereusement avec l'absurde, son opposé, par contre, semble cohérent.
Comment cela s'explique-t-il ? Les oeuvres d'artistes femmes sont-elles davantage mises en valeur lorsqu'elles ne côtoient que des créations produites par ce même sexe ? Je doute de la pertinence d'une telle réflexion et vous demande d’ailleurs votre avis sur le sujet.
Qu’est-il préférable, des expos d'artistes femmes ou des artistes femmes dans les expos ? Faites votre choix, le mien est tout trouvé. Et j'aurais d’ailleurs préféré pour ma part que la question n'ait pas à se poser. Mais il n'en n'est rien. Celle-ci se présente toujours avec une grande force. L'exposition proposée par le centre Pompidou le rappelle. Pour le voir, n’hésitez pas la prochaine fois que vous visiterez un musée à compter le nombre d'artistes femmes exposées. Ce jeu est désolant.
C'est pourquoi les femmes ont souvent adopté le registre de la révolte dans leur démarche créative.
La première partie de l'exposition du centre Beaubourg s'oriente logiquement vers cette thématique. Dans les salles Feu à volonté et Corps slogan, le corps, origine de la discrimination est à la fois meurtri et vénéré. La relation est violente, brutale. La blessure trouve son sublime dans la provocation, quitte à choquer le spectateur. Certaines pièces montrent dans un cri de douleur les clichés destructeurs : la soumission, la pornographie, le sexe, montrés de façon brutale dans leurs états de chair et de sang.
Cependant la production artistique féminine ne saurait s'arrêter à la lutte. Elle prend diverses routes. Elle passe de la technique à l'humour à travers des œuvres telles que celles de Gae Aulenti ou de Sylvie Fleuri, ou encore de l'onirique à l'immatériel par les travaux de Dorothea Tanning ou de Christina Iglesias. Ce dernier univers est d’ailleurs celui qui à mon sens révèle la profondeur de la création féminine. Dans ces formes lavées des luttes et des conflits, les différences s'évanouissent. Il ne reste plus alors que l'artiste, le poète, le créateur, homme ou femme, peu importe le genre. Elles perdent leur origine et entrent dans la pacificité du conflit apaisé. Le spectateur est alors transporté dans des étendus de silence et de paix.
Après la fulgurance des premières œuvres, l'apaisement des dernières vient équilibrer l'ensemble de l'exposition. Le spectateur peut à ce moment partir l'esprit chargé d'une richesse inouïe de formes, de couleurs et de sensations. Il guettera à l’avenir, j’en suis sûre, avec plus d'attention et une curiosité nouvelle, la présence des femmes artistes au long de ses promenades muséales.
Ci-dessus : Elke Krystufek, Size does not matter, age does matter, 2006